Tout mur est une porte. Emerson

mardi 4 juillet 2017

Expo Photo de Gilles COULON : Transhumance, mobilité à risques



Dans la région de Kara au Togo

20 ans après avoir remporté le premier prix de World Press avec des photos d’éleveurs, Gilles Coulon rempile en 2017 en suivant des éleveurs du Burkina et leurs troupeaux dans une transhumance transfrontalière qui les mène au Togo. Du 16 juin au 30 juillet 2017, l’institut français de Ouaga expose les photographies de  ce compagnonnage de plus d’un mois baptisée « Transhumance, mobilité à risques »  

Gilles Coulon s’intéresse dans cette aventure photographique aux éleveurs peuls de Fada N’gourma dans leur odyssée derrière le bétail, jusqu’au Togo. Il en revient avec de superbes  images qui montrent les bergers et leur bétail dans leur confrontation quotidienne  avec les éléments naturels uniquement.

En effet, le photographe a fait le choix de fixer son objectif sur les pâtres et leur bétail. Aucun agriculteur ou fonctionnaire ne traverse son cadre. Il ne capte pas les interactions entre ces passants et les autochtones des terres traversées. On sent leur présence à ces buttes  sur le sol qui témoignent d’un champ d’igname. Mais ils sont invisibles. Tout comme le sont les gabelous, les pandores et les flics. Et Dieu seul sait comment ces forces de l’ordre rendent périlleux la transhumance. Invisibles comme le sont toutes les grandes menaces. Leur apparition sur la route de la transhumance est lourde de menace pour le porte-monnaie ou parfois la vie du berger.

Dans ces 26 vues, il n’entre dans le champ de vision de l’artiste que le berger et sa bête. Certaines images montrent le rapport quasi fusionnel entre le berger et le bœuf. Aussi voit-on un veau et un jeune berger dans une grande proximité. Comme si l’homme et la bête partagent le rêve du  Minotaure. Celui de la fusion de l’humain et du taurin. De l’intelligence pure et de la force brute pour triompher de l’adversité.

En attendant ce rêve improbable, le berger conduit ses bêtes sur des territoires parfois inamicaux voire hostiles. Coulon a préféré inscrire ces éleveurs dans leur confrontation avec les quatre éléments que sont la terre, l’eau, l’air et le feu. Par temps de soleil, par temps d’orage. 
De jour comme de  nuit. Sur des sols jonchés de cailloux comme à Kara et dans les pâturages où l’herbe grasse et verte ondoie sous le soleil. Dans le tumulte du fleuve où pour passer à gué, les plus jeunes aident les ainés et sous la pluie, où un jeune berger seulement protégé par un dérisoire sac plastique, droit comme un poteau, surveille son troupeau.

Ce sont des photos au plus près des choses comme le dit Gilles Coulon lui-même et elles sont d’une grande poésie parfois. Comme ce cliché où dans le froid de la nuit, les bergers ont allumé un brasier pour réchauffer les bovins. Ce brasier  troue l’opacité de la nuit et transforme la scène en un tableau fantastique dans lequel les animaux devenus des ombres chinoises se découpent dans un arrière-fond sombre éclaboussé d’or.

Mais au regard des menaces qui pèsent sur ce type d’élevage, on se demande si ses scènes de bergers passe-frontières marchant derrière leur bétail ne sera pas bientôt un vieux souvenir. D’ailleurs une image   ouvre sur cette perspective. C’est une photo prise un matin d’harmatan qui montre un jeune berger de dos, bâton sur les épaules, suivant son troupeau qui semble s’enfoncer et disparaître dans la brume. Image prémonitoire ? Cela est bien possible.


A voir cette expo dénommée « Transhumance, mobilité à risques », il vous vient les vers de Césaire dans « J’ai guidé du troupeau la longue transhumance » : « marcher sans entêtement à travers ce pays sans carte (…)/marcher sur la gueule pas tellement bien ourlée des volcans » qui même s’ils on été écrits pour la Martinique traduisent avec justesse l’aventure de ces hommes qui sans carte et sans sécurité affrontent l’inconnu pour faire vivre le pastoralisme.

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