Tout mur est une porte. Emerson

lundi 22 décembre 2014

Les Soleils de Dany Kouyaté et d’Olivier Delahaye



   
Binda Ngazolo (Sotigui) et Nina Mélo (Dokamiso)
Les Soleils (2014) est le dernier long métrage de fiction de Dani Kouyaté co-réalisé avec le Français Olivier Delahaye. Ce film sur la transmission et la mémoire qui tient du conte, du roadmovie et du biopic imaginaire était en compétition aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2014).

Après un long silence de plus d’une décennie, Sya le rêve du Python est sorti en 2001, Dani Kouyaté nous revient en 2014 avec un troisième long métrage de fiction qui creuse encore et toujours le sillon de la mémoire et de la transmission : Les Soleils.

C’est l’histoire d’une jeune fille amnésique, Dokamisa (Nina Mélo) que Soundjata, le fondateur du royaume du Mandé  confie au  griot Sotigui (Binda Ngazolo) pour qu’il lui transmette les faits importants de l’histoire. Le film suit les pérégrinations de ce tandem autour des personnages historiques qui peuvent être considérés comme des Soleils, des lumières qui éclairent le monde.

Road movie, le film chausse les bottes de sept lieues et parcourt l’immense globe. Une Escale chez Voltaire, une halte à la présidence du Faso pour écouter le Général Sangoulé Lamizana, une excursion dans la maison de Hegel, une visite à la prison de Robben Island.

Conte, le film déroule un univers fantastique où les époques se côtoient et les continents sont contigus, il suffit d’un pas pour passer du 21ème siècle au 13ème, de l’Afrique à l’Europe. Conte initiatique, Les Soleils livre le socle minimum de connaissances  historiques qu’un jeune du 21ème siècle doit savoir. D’où l’impression par moment que le film est conçu pour le jeune public.

Biopic imaginaire de Sotigui Kouyaté, il est un hommage de Dani Kouyaté à son père qui devient un personnage de fiction. C’est une ode à la fonction du griot, à  son rôle de passeur et d’initiateur.
Ce troisième long métrage de Dani Kouyaté amalgame les genres, traverse les miroirs, allant d’un monde allégorique où la vérité et le mensonge sont des personnages à côté de figures historiques tels Mandela, Tierno Bokar et Sotigui.
Le réalisateur burkinabè Dani Kouyaté

A la base de ce film, il y a l’intension louable de montrer que l’Afrique est bien entrée dans l’histoire car ayant donné naissance à des hommes d’autorité dignes d’être rangés à côté des philosophes européens. Les Soleils rappelle que ce continent à élaboré une charte des droits de l’homme dès le 13è siècle, le Kurukan fuga. 

C’est important à l’heure des négationnismes  et de l’hégémonie du modèle civilisationnel occidental. Mais la démarche artistique, parce que très éclectique risque de dérouter le spectateur habitué à des films ayant un mode narratif plus convenu. Mais quelle que soit la réception de ce film, il aura une place dans la cinématographie africaine. 

Ce quatrième long métrage confirme Dani Kouyaté comme un réalisateur qui se pense  avant tout comme  un griot moderne et qui se donne pour mission d’utiliser  le cinéma comme un outil de transmission de l’histoire. S’inscrivant dans la lignée de Balla Fasséké, l’ancêtre des griots du Mandé qui, par sa voix et sa Kora,a transmis la légende de Soundjata Kéita. Dani le fait avec ses images. Une même responsabilité mais à chaque génération d’inventer ses outils. Ou ses armes miraculeuses.