Tout mur est une porte. Emerson

dimanche 27 juillet 2014

Jacques Prosper Bazié, l’écriture comme sacerdoce





Jacques Prosper Bazié est romancier, nouvelliste, essayiste et poète. Mais en tous ces genres, c’est le poète qui affleure. D’où une plume exigeante, une langue chatoyante et briquée comme un joyau. Ce triple lauréat du Grand prix des Arts et des Lettres de la Semaine Nationale de la Culture nous fait entrer dans sa fabrique de littérature et parle de son rapport à la création.

L’Observateur Paalga (L’Obs) : Y a-t-il un endroit et des moments précis où vous écrivez ?  Comment écrivez-vous ?  Au carnet, à l’ordi ? De quels ouvrages vous vous munissez pour écrire ?

Jacques Prosper Bazié (J.P.B) : Tout lieu m’inspire.  J’écris généralement couché au moment où je me repose.  Mais bien avant, dans la journée des idées me bouillonnent.  Alors, le temps les fait fermenter et l’écriture dans la cuvée les distille.  C’est un processus de brasserie.
Le support papier et l’ordinateur y passent.  J’ai en permanence sur moi un carnet ou des feuilles sur lesquels je note des éléments d’inspiration bien souvent perdues si l’on ne prend garde.  Les TIC accompagnent la production littéraire, mais il n’y a en la matière ni exclusion, ni substitution et les raccourcis des technologies ne dédouanent pas l’écrivain de ses obligations d’écriture.
En dehors de son acquis, de ses connaissances, un écrivain devrait-il s’appuyer sur un autre ouvrage pour écrire ? Pas tellement, à moins de voir le problème autrement.  Effectivement, les ouvrages socialement marqués, les productions historiques requièrent pour une bonne part une documentation, des références.  L’histoire littéraire française nous rappelle cette école du naturalisme mis au service du roman expérimental.  

L’Obs : Comment naît un livre.  Quelle est l’étincelle « déclencheuse » ?  Racontez-nous la naissance de votre dernier livre

J.P.B : La naissance d’un livre est liée à plusieurs contingences personnelles, grégaires.  Une écriture relève d’une sociabilité.  Des faits majeurs viennent vous commander témoignage et vous demandent d’assumer une charge, sans clairon, dans le silence des intelligences et vous vous mettez en chemin.  Vous arborer alors votre masque et vous vous mettez à émettre des signes à décoder.
Ma dernière production est inspirée par un homme qui a secrètement marqué ma vie d’adolescent quand je fréquentais dans les années 78 l’université de Ouagadougou.  Quand il est mort, les gens se sont ruées sur ses biens et son patrimoine a été bradé jusqu’à l’oubli de son nom alors que, par révolte, il avait rejoint les routes de l’épreuve pour se battre.  Et je me suis mis à écrire Les Anti-mémoires d’un dozo vaincu.
Le livre vient par observation d’événements, des réflexions sur notre condition, notre destin d’homme ou d’acteur d’un environnement.   

L’Obs : Combien de temps dure l’écriture d’un livre ?

L’Obs : Une écriture sérieuse prend sensiblement un bon moment.  Du temps du premier jet à la phase d’élaboration, des années seraient passées.  Et on travaillerait à s’imposer une exigence pour pousser le récit à son degré de perfectibilité pour échapper à la dérive, à la précipitation ou à la suffisance qui sont, en la matière, les démons de la création.  De manière générale, l’essentiel d’un ouvrage est retranscrit en quelque six mois.  Le reste demeure un travail de finition, de polissage, de redimensionnement et cette phase relève de l’artisanat du style. L'oeuvre qui m'a pris le plus de temps est Amoro.
Il faut écrire des productions qui, en plus de la thématique, allient une excellence de style susceptibles de résister au temps, surtout dédiées à la postérité, à l’instar des textes latins et de la phrase grecque.

L’Obs : Quel est le dernier  livre que vous avez lu ou que vous êtes en train de lire ?

L’Obs : Il y a un qui est édité et connu : Le Désert des Tartares de Dino BUZZATI, issu de la littérature italienne.
Il y a aussi quatre œuvres nationales, quatre romans au stade de tapuscrits sur le point d’être éditées et qui sont de belle facture :
Les Amants de Lerbou du ministre HAMA Baba
Le Destin raté de Maïmi de Rasmané David SAWADOGO 
  Les Confidences d’une muette de Justin Stanislas DRABO
Ces chemins escarpés ! d’Auxence Sotuo SOME
Et j’en oublie, comme le récit intitulé La Barbe de l’imam du romancier KANTABGA…

L’Obs : Sur une île déserte, quels sont les trois livres que vous emporteriez ? 

L’Obs : Vous dites bien une île ? J’en prendrai bien plus au nombre desquels : 
Le Monde s’effondre de Chinua ACHEBE  
Les Enfants de Sanchez d’Oscar LEWIS
Chants pour signares de Léopold Sédar SENGHOR 
Poèmes pour l’Angola de Frédéric Titinga PACERE
Tierce Eglise, ma mère…, d’Anselme Titianma SANON
Le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé CESAIRE
Le Discours sur le colonialisme d’Aimé CESAIRE
Le Roi du Djadjo de Bali NEBIE
Un peuple de fauves de Colin TURNEBULL
Tribaliques de Henri LOPES
Histoire de l’Afrique noire de Joseph KI-ZERBO
Le Crépuscule des temps anciens de Nazi BONI
L’Etrange destin de Wangrin d’Ahmadou Hampathé BA 
Et j’y joindrai volontiers Une si longue lettre de Mariama BA.


Les ouvrages publiés par Jacques Prosper Bazié

                    Poésie 
        Orphelin des collines ancestrales, Dasl, 1984/Kraal, 2005
        La Saga des immortels,  Dasl, 1987
  Aux miradors de l’espérance,Kraal, 1992    
Agonies de Gorom-Gorom,Dasl, Kraal, 1992
Parchemins migrateurs,Kraal, 2011 
                    Roman
La Dérive des Bozos,Kraal, 1988
L’Epaved’Absouya, Kraal, 1995  
Amoro, Kraal, 2009  
Nouvelle  
L’Agonie des greniers,Dasl, 1994
Crachin de Rissiam,Le Nordir, 2002 
Croquis de Panguin, Kraal, 2004
Pangée de campements, Kraal, 2011                       
Conte
Cantiques de soukalas, Kraal, 1998 
Théâtre
        Amoro,Dasl, 1990           
                    Essai
  Nazi Boni, Le Moïse du Bwamu,Kraal, 2014           

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